Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
MOLL FLANDERS

cette méthode : mais ma résolution fut confirmée bientôt après par l’accident suivant.

Ainsi que ma gouvernante m’avait déguisée en homme, ainsi me joignit-elle à un homme, jeune garçon assez expert en son affaire, et pendant trois semaines nous nous entendîmes fort bien ensemble. Notre principale occupation était de guetter les comptoirs dans les boutiques et d’escamoter n’importe quelle marchandise qu’on avait laissé traîner par négligence, et dans ce genre de travail nous fîmes plusieurs bonnes affaires, comme nous disions. Et comme nous étions toujours ensemble, nous devînmes fort intimes ; pourtant il ne sut jamais que je n’étais pas un homme ; non, quoique à plusieurs reprises je fusse rentrée avec lui dans son logement, suivant les besoins de nos affaires, et que j’eusse couché avec lui quatre ou cinq fois pendant toute la nuit ; mais notre dessein était ailleurs, et il était absolument nécessaire pour moi de lui cacher mon sexe, ainsi qu’il parut plus tard. D’ailleurs les conditions de notre vie, où nous entrions tard, et où nous avions des affaires qui exigeaient que personne ne pût entrer dans notre logement, étaient telles qu’il m’eût été impossible de refuser de coucher avec lui, à moins de lui révéler mon sexe ; mais, comme il est, je parvins à me dissimuler effectivement.

Mais sa mauvaise et ma bonne fortune mirent bientôt fin à cette vie, dont il faut l’avouer, j’étais lasse aussi. Nous avions fait plusieurs belles prises en ce nouveau genre de métier ; mais la dernière aurait été extraordinaire.

Il y avait une boutique dans une certaine rue, dont le magasin, qui était derrière, donnait dans une autre rue, la maison faisant le coin.