par raison qu’un moulin ne saurait moudre sans eau ; le vice foule aux pieds tout ce qui était bon en lui ; oui et ses sens mêmes sont obscurcis par sa propre rage, et il agit en absurde à ses propres yeux : ainsi il continuera de boire, étant déjà ivre ; il ramassera une fille commune, sans se soucier de ce qu’elle est ni demander qui elle est : saine ou pourrie, propre ou sale, laide ou jolie, vieille ou jeune ; si aveuglé qu’il ne saurait distinguer. Un tel homme est pire qu’un lunatique ; poussé par sa tête ridicule, il ne sait pas plus ce qu’il fait que ne le savait mon misérable quand je lui tirai de la poche sa montre et sa bourse d’or.
Ce sont là les hommes dont Salomon dit :
« — Ils marchent comme le bœuf à l’abattoir, jusqu’à ce que le fer leur perce le foie. »
Admirable description d’ailleurs de l’horrible maladie, qui est une contagion empoisonnée et mortelle se mêlant au sang dont le centre ou fontaine est dans le foie ; d’où par la circulation rapide de la masse entière, cet affreux fléau nauséabond frappe immédiatement le foie, infecte les esprits, et perce les entrailles comme d’un fer.
Il est vrai que le pauvre misérable sans défense n’avait rien à craindre de moi ; quoique j’eusse grande appréhension d’abord sur ce que je pouvais avoir à craindre de lui ; mais c’était vraiment un homme digne de pitié en tant qu’il était de bonne sorte ; un gentilhomme n’ayant point de mauvais dessein ; homme de bon sens et belle conduite : personne agréable et avenante, de contenance sobre et ferme, de visage charmant et beau, et tout ce qui pouvait plaire, sinon qu’il avait un peu bu par malheur la nuit d’avant ; qu’il ne s’était point mis au lit, ainsi qu’il me dit quand nous fûmes ensemble ; qu’il était échauffé