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MOLL FLANDERS

je le repris de court ; je lui jurai que je n’avais point souffert d’être touchée par un homme depuis la mort de mon mari, c’est à savoir de huit ans en ça ; il dit qu’il le croyait bien, et ajouta que c’était bien ce que madame lui avait laissé entendre, et que c’était son opinion là-dessus qui lui avait fait désirer de me revoir ; et que puisqu’il avait une fois enfreint la vertu avec moi, et qu’il n’y avait point trouvé de fâcheuses conséquences, il pouvait en toute sûreté s’y aventurer encore ; et en somme il en arriva là où j’attendais, qui ne saurait être mis sur papier.

Ma vieille gouvernante l’avait bien prévu, autant que moi ; elle l’avait donc fait entrer dans une chambre où il n’y avait point de lit, mais qui donnait dans une seconde chambre où il y en avait un ; nous nous y retirâmes pour le restant de la nuit ; et en somme, après que nous eûmes passé quelque temps ensemble, il se mit au lit et y passa toute la nuit ; je me retirai, mais revins, toute déshabillée, avant qu’il fût jour, et demeurai à coucher avec lui jusqu’au matin.

Quand il partit, je lui dis que j’espérais qu’il se sentait sûr de n’avoir pas été volé. Il me dit qu’il était pleinement satisfait là-dessus, et, mettant la main dans la poche, me donna cinq guinées, qui était le premier argent que j’eusse gagné en cette façon depuis bien des années.

Je reçus de lui plusieurs visites semblables ; mais il n’en vint jamais proprement à m’entretenir, ce qui m’aurait plu bien mieux. Mais cette affaire eut sa fin, elle aussi ; car au bout d’un an environ, je trouvai qu’il ne venait plus aussi souvent, et enfin il cessa tout à fait,