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MOLL FLANDERS

m’apprenaient même à le faire, de sorte que j’étais véritablement une dame de qualité, ainsi que je l’entendais ; car avant d’avoir douze ans, non seulement je me suffisais en vêtements et je payais ma nourrice pour m’entretenir, mais encore je mettais de l’argent dans ma poche.

Les dames me donnaient aussi fréquemment de leurs hardes ou de celles de leurs enfants ; des bas, des jupons, des habits, les unes telle chose, les autres telle autre, et ma vieille femme soignait tout cela pour moi comme une mère, m’obligeait à raccommoder, et à tourner tout au meilleur usage : car c’était une rare et excellente ménagère.

À la fin, une des dames se prit d’un tel caprice pour moi qu’elle désirait m’avoir chez elle, dans sa maison, pour un mois, dit-elle, afin d’être en compagnie de ses filles.

Vous pensez que cette invitation était excessivement aimable de sa part ; toutefois, comme lui dit ma bonne femme, à moins qu’elle se décidât à me garder pour tout de bon, elle ferait à la petite dame de qualité plus de mal que de bien. — « Eh bien, dit la dame, c’est vrai ; je la prendrai chez moi seulement pendant une semaine, pour voir comment mes filles et elles s’accordent, et comment son caractère me plaît, et ensuite je vous en dirai plus long ; et cependant, s’il vient personne la voir comme d’ordinaire, dites-leur seulement que vous l’avez envoyée en visite à ma maison. »

Ceci était prudemment ménagé, et j’allai faire visite à la dame, où je me plus tellement avec les jeunes demoiselles, et elles si fort avec moi, que j’eus assez à faire pour me séparer d’elles, et elles en furent aussi fâchées que moi-même