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MOLL FLANDERS

ils l’appellent, ou si j’eusse été prise, j’eusse rencontré mort certaine, mort au poteau, dis-je ; j’eusse été brûlée à mort, attachée au poteau : si bien que, malgré qu’en apparence je ne fusse qu’une mendiante et qu’ils m’eussent promis des montagnes d’or et d’argent pour m’attirer, pourtant je n’y voulus rien faire ; il est vrai que si j’eusse été réellement une mendiante ou désespérée ainsi que lorsque je débutai, je me fusse peut-être jointe à eux car se soucie-t-on de mourir quand on ne sait point comment vivre ; mais à présent telle n’était pas ma condition, au moins ne voulais-je point courir de si terribles risques ; d’ailleurs la seule pensée d’être brûlée au poteau jetait la terreur jusque dans mon âme, me gelait le sang et me donnait les vapeurs à un tel degré que je n’y pouvais penser sans trembler.

Ceci mit fin en même temps à mon déguisement, car malgré que leur offre me déplût, pourtant je n’osai leur dire, mais parus m’y complaire et promis de les revoir. Mais je n’osai jamais aller les retrouver, car si je les eusse vus sans accepter, et malgré que j’eusse refusé avec les plus grandes assurances de secret qui fussent au monde, ils eussent été bien près de m’assassiner pour être sûrs de leur affaire et avoir de la tranquillité, comme ils disent ; quelle sorte de tranquillité, ceux-là le jugeront le mieux qui entendent comment des gens peuvent être tranquilles qui en assassinent d’autres pour échapper au danger.

Mais enfin, je rencontrai une femme qui m’avait souvent dit les aventures qu’elle faisait et avec succès, sur le bord de l’eau, et je me joignais à elle, et nous menâmes assez bien nos affaires. Un jour nous vînmes parmi des