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MOLL FLANDERS

Hollandais à Sainte-Catherine, où nous allâmes sous couleur d’acheter des effets qui avaient été débarqués secrètement. Je fus deux ou trois fois en une maison où nous vîmes bonne quantité de marchandises prohibées, et une fois ma camarade emporta trois pièces de soie noire de Hollande, qui se trouvèrent de bonne prise, et j’en eus ma part ; mais dans toutes les excursions que je tentai seule, je ne pus trouver l’occasion de rien faire, si bien que j’abandonnai la partie, car on m’y avait vue si souvent qu’on commençait à se douter de quelque chose.

Voilà qui me déconcerta un peu, et je résolus de me pousser de côté ou d’autre, car je n’étais point accoutumée à rentrer si souvent sans aubaine, de sorte que le lendemain je pris de beaux habits et m’en allai à l’autre bout de la ville. Je passai à travers l’Exchange dans le Strand, mais n’avais point d’idée d’y rien trouver, quand soudain je vis un grand attroupement, et tout le monde, boutiquiers autant que les autres, debout et regardant du même côté ; et qu’était-ce, sinon quelque grande duchesse qui entrait dans l’Exchange, et on disait que la reine allait venir. Je me portai tout près du côté d’une boutique, le dos tourné au comptoir comme pour laisser passer la foule, quand, tenant les yeux sur un paquet de dentelles que le boutiquier montrait à des dames qui se trouvaient près de moi, le boutiquier et sa servante se trouvèrent si occupés à regarder pour voir qui allait venir et dans quelle boutique on entrerait, que je trouvai moyen de glisser un paquet de dentelles dans ma poche et de l’emporter tout net, si bien que la modiste paya assez cher pour avoir bayé à la reine.