Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
MOLL FLANDERS

— Alors c’était toi, ma chérie, dit-il, qui arrêtas la populace à Brickhill ?

— Oui, dis-je, c’était moi, en vérité ; — et je lui dis les détails que j’avais observés alors à son sujet.

— Mais alors, dit-il, c’est toi qui m’as sauvé la vie dans ce temps ; et je suis heureux de te devoir la vie, à toi ; car je vais m’acquitter de ma dette à cette heure, et te délivrer de la condition où tu es, dussé-je y périr.

Je lui dis qu’il n’en fallait rien faire ; que c’était un risque trop grand, et qui ne valait pas qu’il en courût le hasard, et pour une vie qui ne valait guère qu’il la sauvât. Peu importait, dit-il ; c’était pour lui une vie qui valait tout au monde, une vie qui lui avait donné une nouvelle vie ; « car, dit-il, je n’ai jamais été dans un véritable danger que cette fois-là, jusqu’à la dernière minute où j’ai été pris. » Et en vérité son danger à ce moment était en ce qu’il pensait qu’il n’eût point été poursuivi par là ; car ils avaient décampé de Hocksley par un tout autre chemin ; et ils étaient arrivés à Brickhill à travers champs, par-dessus les haies, persuadés de n’avoir été vus par personne.

Ici il me donna une longue histoire de sa vie, qui en vérité, ferait une très étrange histoire, et serait infiniment divertissante ; et me dit qu’il avait pris la grand’route environ douze ans avant de m’avoir épousée ; que la femme qui l’appelait « frère » n’était point sa parente, mais une qui était affiliée à leur clique, et qui, tenant correspondance avec eux, vivait toujours en ville, à cause qu’elle avait beaucoup de connaissances ; qu’elle les avertissait fort exactement sur les personnes qui sortaient de la ville, et qu’ils avaient fait de riches butins sur ses ren-