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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/396

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MOLL FLANDERS

n’avais point de masque, mais je chiffonnai les ruches de ma coiffe autour de ma figure si bien que je fus persuadée qu’après plus de vingt ans d’absence et, d’ailleurs, ne m’attendant nullement en cette partie du monde, il serait incapable de me reconnaître. Mais je n’aurais point eu besoin à user de toutes ces précautions car sa vue était devenue faible par quelque maladie qui lui était tombée sur les yeux et il ne pouvait voir que juste assez pour se promener et ne pas se heurter contre un arbre ou mettre le pied dans un fossé. Comme ils s’approchaient de nous, je dis :

— Est-ce qu’il vous connaît, madame Owen ? (C’était le nom de la femme.)

— Oui, dit-elle. S’il m’entend parler, il me reconnaîtra bien, mais il n’y voit point assez pour me reconnaître ou personne d’autre.

Et alors elle me parla de l’affaiblissement de sa vue, ainsi que j’ai dit. Ceci me rassura si bien que je rejetai ma coiffe et que je les laissai passer près de moi. C’était une misérable chose pour une mère que de voir ainsi son propre fils, un beau jeune homme bien fait dans des circonstances florissantes, et de ne point oser se faire connaître à lui et de ne point oser paraître le remarquer. Que toute mère d’enfant qui lit ces pages considère ces choses et qu’elle réfléchisse à l’angoisse d’esprit avec laquelle je me restreignis, au bondissement d’âme que je ressentis en moi pour l’embrasser et pleurer sur lui et comment je pensai que toutes mes entrailles se retournaient en moi, que mes boyaux mêmes étaient remués et que je ne savais quoi faire, ainsi que je ne sais point maintenant comment exprimer ces agonies. Quand il s’éloigna de