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MOLL FLANDERS

son que la cuisinière et l’autre servante et elles ne prenaient jamais cet escalier-là.

— Eh bien, ma mignonne, il vaut mieux s’assurer, en tout cas. — Et puis, s’assied, et nous commençâmes à causer.

Et maintenant, quoique je fusse encore toute en feu de sa première visite, ne pouvant parler que peu, il semblait qu’il me mît les paroles dans la bouche, me disant combien passionnément il m’aimait, et comment il ne pouvait rien avant d’avoir disposition de sa fortune, mais que dans ce temps-là il était bien résolu à me rendre heureuse, et lui-même, c’est-à-dire de m’épouser, et abondance de telles choses, dont moi pauvre sotte je ne comprenais pas le dessein, mais agissais comme s’il n’y eût eu d’autre amour que celui qui tendait au mariage ; et s’il eût parlé de l’autre je n’eusse trouvé ni lieu ni pouvoir pour dire non ; mais nous n’en étions pas encore venus à ce point-là.

Nous n’étions pas restés assis longtemps qu’il se leva et m’étouffant vraiment la respiration sous ses baisers, me jeta de nouveau sur le lit ; mais alors il alla plus loin que la décence ne me permet de rapporter, et il n’aurait pas été en mon pouvoir de lui refuser à ce moment, s’il avait pris plus de privautés qu’il ne fit.

Toutefois, bien qu’il prît ces libertés, il n’alla pas jusqu’à ce qu’on appelle la dernière faveur, laquelle, pour lui rendre justice, il ne tenta point ; et ce renoncement volontaire lui servit d’excuse pour toutes ses libertés avec moi en d’autres occasions. Quand ce fut terminé, il ne resta qu’un petit moment, mais me glissa presque une poignée d’or dans la main et me laissa mille protes-