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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/46

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MOLL FLANDERS

tations de sa passion pour moi, m’assurant qu’il m’aimait au-dessus de toutes les femmes du monde.

Il ne semblera pas étrange que maintenant je commençai de réfléchir ; mais, hélas ! ce fut avec une réflexion bien peu solide. J’avais un fonds illimité de vanité et d’orgueil, un très petit fonds de vertu. Parfois, certes, je ruminais en moi pour deviner ce que visait mon jeune maître, mais ne pensais à rien qu’aux belles paroles et à l’or ; qu’il eût intention de m’épouser ou non me paraissait affaire d’assez petite importance ; et je ne pensais pas tant à faire mes conditions pour capituler, jusqu’à ce qu’il me fit une sorte de proposition en forme comme vous allez l’entendre.

Ainsi je m’abandonnai à la ruine sans la moindre inquiétude. Jamais rien ne fut si stupide des deux côtés ; si j’avais agi selon la convenance, et résisté comme l’exigeaient l’honneur et la vertu, ou bien il eût renoncé à ses attaques, ne trouvant point lieu d’attendre l’accomplissement de son dessein, ou bien il eût fait de belles et honorables propositions de mariage ; dans quel cas on aurait pu le blâmer par aventure mais non moi. Bref, s’il m’eût connue, et combien était aisée à obtenir la bagatelle qu’il voulait, il ne se serait pas troublé davantage la tête, mais m’aurait donné quatre ou cinq guinées et aurait couché avec moi la prochaine fois qu’il serait venu me trouver. D’autre part, si j’avais connu ses pensées et combien dure il supposait que je serais à gagner, j’aurais pu faire mes conditions, et si je n’avais capitulé pour un mariage immédiat, j’aurais pu le faire pour être entretenue jusqu’au mariage, et j’aurais eu ce que j’aurais voulu ; car il était riche à l’excès, outre ses espé-