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MOLL FLANDERS

J’étais maintenant confondue, et poussée à une telle extrémité que je n’en avais jamais connu de semblable. Je résistai obstinément à sa proposition et commençai de m’armer d’arguments : je lui exposai l’inégalité de cette alliance, le traitement que je rencontrerais dans sa famille, l’ingratitude que ce serait envers son bon père et sa mère qui m’avaient recueillie dans leur maison avec de si généreuses intentions et lorsque je me trouvais dans une condition si basse ; et bref je dis, pour le dissuader, tout ce que je pus imaginer, excepté la vérité, ce qui aurait mis fin à tout, mais dont je n’osais même penser faire mention.

Mais ici survint une circonstance que je n’attendais pas, en vérité, et qui me mit à bout de ressources : car ce jeune gentilhomme, de même qu’il était simple et honnête, ainsi ne prétendait à rien qui ne le fut également ; et, connaissant sa propre innocence, il n’était pas si soigneux que l’était son frère de tenir secret dans la maison qu’il eût une douceur pour Mme Betty ; et quoiqu’il ne leur fît pas savoir qu’il m’en avait parlé, cependant il en dit assez pour laisser voir à ses sœurs qu’il m’aimait, et sa mère le vit aussi, et quoiqu’elles n’en fissent point semblant à mon égard, cependant elles ne le lui dissimulèrent pas, et aussitôt je trouvai que leur conduite envers moi était changée encore plus qu’auparavant.

Je vis le nuage, quoique sans prévision de l’orage ; il était facile de voir, dis-je, que leur conduite était changée et que tous les jours elle devenait pire et pire ; jusqu’à ce qu’enfin je fus informée que dans très peu de temps je serais priée de m’en aller.

Je ne fus pas effrayée de la nouvelle, étant pleinement