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MOLL FLANDERS

du tout ; il s’efforça de m’apaiser de son mieux, mais commença enfin de me presser très fort de lui dire ce qu’il y avait ; enfin, je répondis que je croyais de mon devoir de le lui dire, et qu’il avait quelque droit de le savoir, outre que j’avais besoin de son conseil, car j’étais dans un tel embarras que je ne savais comment faire, et alors je lui racontai toute l’affaire : je lui dis avec quelle imprudence s’était conduit son frère, en rendant la chose si publique, car s’il l’avait gardée secrète j’aurais pu le refuser avec fermeté sans en donner aucune raison, et, avec le temps, il aurait cessé ses sollicitations ; mais qu’il avait eu la vanité, d’abord de se persuader que je ne le refuserais pas, et qu’il avait pris la liberté, ensuite, de parler de son dessein à la maison entière.

Je lui dis à quel point je lui avais résisté, et combien ses offres étaient honorables et sincères.

— Mais, dis-je, ma situation va être doublement difficile, car elles m’en veulent maintenant, parce qu’il désire m’avoir ; mais elles m’en voudront davantage quand elles verront que je l’ai refusé, et elles diront bientôt : « Il doit y avoir quelque chose d’autre là-dedans », et que je suis déjà mariée à quelqu’un d’autre, sans quoi je ne refuserais jamais une alliance si au-dessus de moi que celle-ci.

Ce discours le surprit vraiment beaucoup ; il me dit que j’étais arrivée, en effet, à un point critique, et qu’il ne voyait pas comment je pourrais me tirer d’embarras ; mais qu’il y réfléchirait et qu’il me ferait savoir à notre prochaine entrevue à quelle résolution il s’était arrêté ; cependant il me pria de ne pas donner mon consentement à son frère, ni de lui opposer un refus net, mais de le tenir en suspens.