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MOLL FLANDERS

pourrais prétendre à différentes dames qui ont de belles fortunes.

— Peu m’importe, dit Robin, j’aime la fille, et je ne chercherai jamais à flatter ma bourse, en me mariant, aux dépens de ma fantaisie.

— Ainsi, ma chérie, ajoute-t-il, il n’y a rien à lui opposer.

— Si, si, dis-je, je saurai bien quoi lui opposer. J’ai appris à dire non, maintenant, quoique je ne l’eusse pas appris autrefois ; si le plus grand seigneur du pays m’offrait le mariage maintenant, je pourrais répondre non de très bon cœur.

— Voyons, mais, ma chérie, dit-il, que peux-tu lui répondre ? Tu sais fort bien, ainsi que tu le disais l’autre jour qu’il te fera je ne sais combien de questions là-dessus et toute la maison s’étonnera de ce que cela peut bien signifier.

— Comment ? dis-je en souriant, je peux leur fermer la bouche à tous, d’un seul coup, en lui disant, ainsi qu’à eux, que je suis déjà mariée à son frère aîné.

Il sourit un peu, lui aussi, sur cette parole, mais je pus voir qu’elle le surprenait, et il ne put dissimuler le désordre où elle le jeta ; toutefois il répliqua :

— Oui bien, dit-il, et quoique cela puisse être vrai, en un sens, cependant je suppose que tu ne fais que plaisanter en parlant de donner une telle réponse, qui pourrait ne pas être convenable pour plus d’une raison.

— Non, non, dis-je gaiement, je ne suis pas si ardente à laisser échapper ce secret sans votre consentement.

— Mais que pourras-tu leur répondre alors, dit-il,