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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/69

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MOLL FLANDERS

je pouvais, je niai que je fusse amoureuse de personne.

Ils eurent à cette occasion une picoterie sur mon propos un jour pendant qu’ils étaient à table, qui pensa mettre toute la famille en tumulte. Ils se trouvaient être tous à table, à l’exception du père ; pour moi, j’étais malade, et dans ma chambre ; au commencement de la conversation, la vieille dame qui m’avait envoyé d’un plat à manger, pria sa servante de monter me demander si j’en voulais davantage ; mais la servante redescendit lui dire que je n’avais pas mangé la moitié de ce qu’elle m’avait envoyé déjà.

— Hélas ! dit la vieille dame, la pauvre fille ! Je crains bien qu’elle ne se remette jamais.

— Mais, dit le frère aîné, comment Mme Betty pourrait-elle se remettre, puisqu’on dit qu’elle est amoureuse ?

— Je n’en crois rien, dit la vieille dame.

— Pour moi, dit la sœur aînée, je ne sais qu’en dire ; on a fait un tel vacarme sur ce qu’elle était si jolie et si charmante, et je ne sais quoi, et tout cela devant elle, que la tête de la péronnelle, je crois, en a été tournée, et qui sait de quoi elle peut être possédée après de telles façons ? pour ma part, je ne sais qu’en penser.

— Pourtant, ma sœur, il faut reconnaître qu’elle est très jolie, dit le frère aîné.

— Oui certes, et infiniment plus jolie que toi, ma sœur, dit Robin, et voilà ce qui te mortifie.

— Bon, bon, là n’est pas la question, dit sa sœur ; la fille n’est pas laide, et elle le sait bien ; on n’a pas besoin de le lui répéter pour la rendre vaniteuse.

— Nous ne disons pas qu’elle est vaniteuse, repart le