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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/91

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MOLL FLANDERS

pât éternel ; et jamais je ne fus au lit avec mon mari, que je ne me désirasse dans les bras de son frère ; et bien que le frère ne fît jamais montre d’une affection de cette nature après notre mariage, mais se conduisît justement à la manière d’un frère, toutefois il me fut impossible d’avoir les mêmes sentiments à son égard ; en somme, il ne se passait pas de jour où je ne commisse avec lui adultère et inceste dans mes désirs, qui, sans doute, étaient aussi criminels que des actes.

Avant que mon mari mourût, son frère aîné se maria, et comme à cette époque nous avions quitté la ville pour habiter Londres, la vieille dame nous écrivit pour nous prier aux noces ; mon mari y alla, mais je feignis d’être indisposée, et ainsi je pus rester à la maison ; car, en somme, je n’aurais pu supporter de le voir donné à une autre femme, quoique sachant bien que jamais plus je ne l’aurais à moi.

J’étais maintenant, comme je l’avais été jadis, laissée libre au monde, et, étant encore jeune et jolie, comme tout le monde me le disait (et je le pensais bien, je vous affirme), avec une suffisante fortune en poche, je ne m’estimais pas à une médiocre valeur ; plusieurs marchands fort importants me faisaient la cour, et surtout un marchand de toiles, qui se montrait très ardent, et chez qui j’avais pris logement après la mort de mon mari, sa sœur étant de mes amies ; là, j’eus toute liberté et occasion d’être gaie et de paraître dans la société que je pouvais désirer, n’y ayant chose en vie plus folle et plus gaie que la sœur de mon hôte, et non tant maîtresse de sa vertu que je le pensais d’abord ; elle me fit entrer dans un monde de société extravagante, et même emmena