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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/90

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MOLL FLANDERS

lée en se mettant au lit, qu’il ne put se souvenir le matin s’il avait eu commerce avec moi ou non ; et je fus obligée de le lui affirmer, quoiqu’il n’en fût rien, afin d’être assurée qu’il ne s’inquiéterait d’aucune chose.

Il n’entre guère dans le dessein de cette histoire de vous instruire plus à point sur cette famille et sur moi-même, pendant les cinq années que je vécus avec ce mari, sinon de remarquer que de lui j’eus deux enfants, et qu’il mourut au bout des cinq ans ; il avait vraiment été un très bon mari pour moi, et nous avions vécu très agréablement ensemble ; mais comme il n’avait pas reçu grand’chose de sa famille, et que dans le peu de temps qu’il vécut il n’avait pas acquis grand état, ma situation n’était pas belle, et ce mariage ne me profita guère. Il est vrai que j’avais conservé les billets du frère aîné où il s’engageait à me payer 500 £ pour mon consentement à épouser son frère ; et ces papiers, joints à ce que j’avais mis de côté sur l’argent qu’il m’avait donné autrefois, et environ autant qui me venait de mon mari, me laissèrent veuve avec près de 1 200 £ en poche.

Mes deux enfants me furent heureusement ôtés de dessus les bras par le père et la mère de mon mari ; et c’est le plus clair de ce qu’ils eurent de Mme Betty.

J’avoue que je n’éprouvai pas le chagrin qu’il convenait de la mort de mon mari ; et je ne puis dire que je l’aie jamais aimé comme j’aurais dû le faire, ou que je répondis à la tendresse qu’il montra pour moi ; car c’était l’homme le plus délicat, le plus doux et de meilleure humeur qu’une femme pût souhaiter ; mais son frère, qui était si continuellement devant mes yeux, au moins pendant notre séjour à la campagne, était pour moi un ap-