Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/142

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épis d’une orge verte et parfaite de la même qualité que celle d’Europe, voire même que notre orge d’Angleterre.

Il serait impossible d’exprimer mon ébahissement et le trouble de mon esprit à cette occasion. Jusque là ma conduite ne s’était appuyée sur aucun principe religieux ; en fait, j’avais très-peu de notions religieuses dans la tête, et dans tout ce qui m’était advenu je n’avais vu que l’effet du hasard, ou, comme on dit légèrement, du bon plaisir de Dieu ; sans même chercher, en ce cas, à pénétrer les fins de la Providence et son ordre qui régit les événements de ce monde. Mais après que j’eus vu croître de l’orge dans un climat que je savais n’être pas propre à ce grain, surtout ne sachant pas comment il était venu là, je fus étrangement émerveillé, et je commençai à me mettre dans l’esprit que Dieu avait miraculeusement fait pousser cette orge sans le concours d’aucune semence, uniquement pour me faire subsister dans ce misérable désert.

Cela me toucha un peu le cœur et me fit monter des larmes aux yeux, et je commençai à me féliciter de ce qu’un tel prodige eût été opéré en ma faveur ; mais le comble de l’étrange pour moi, ce fut de voir près des premières, tout le long du rocher, quelques tiges éparpillées qui semblaient être des tiges de riz, et que je reconnus pour telles parce que j’en avais vu croître quand j’étais sur les côtes d’Afrique.

Non-seulement je pensai que la Providence m’envoyait ces présents ; mais, étant persuadé que sa libéralité devait s’étendre encore plus loin, je parcourus de nouveau toute cette portion de l’île que j’avais déjà visitée, cherchant dans tous les coins et au pied de tous les rochers, dans l’espoir de découvrir une plus grande quantité de ces plantes ; mais je n’en trouvai pas d’autres. Enfin, il me revint