Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/157

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dormis. Dans ce second sommeil, j’eus ce terrible songe :

Il me semblait que j’étais étendu sur la terre, en dehors de ma muraille, à la place où je me trouvais quand après le tremblement de terre éclata l’ouragan, et que je voyais un homme qui, d’une nuée épaisse et noire, descendait à terre au milieu d’un tourbillon éclatant de lumière et de feu. Il était de pied en cap resplendissant comme une flamme, tellement que je ne pouvais le fixer du regard. Sa contenance était vraiment effroyable : la dépeindre par des mots serait impossible. Quand il posa le pied sur le sol, la terre me parut s’ébranler, juste comme elle avait fait lors du tremblement, et tout l’air sembla, en mon imagination, sillonné de traits de feu.

À peine était-il descendu sur la terre qu’il s’avança pour me tuer avec une longue pique qu’il tenait à la main ; et, quand il fut parvenu vers une éminence peu éloignée, il me parla, et j’ouïs une voix si terrible qu’il me serait impossible d’exprimer la terreur qui s’empara de moi ; tout ce que je puis dire, c’est que j’entendis ceci : — « Puisque toutes ces choses ne t’ont point porté au repentir, tu mourras ! » — À ces mots il me sembla qu’il levait sa lance pour me tuer.

Que nul de ceux qui liront jamais cette relation ne s’attende à ce que je puisse dépeindre les angoisses de mon âme lors de cette terrible vision, qui me fit souffrir même durant mon rêve ; et il ne me serait pas plus possible de rendre l’impression qui resta gravée dans mon esprit après mon réveil, après que j’eus reconnu que ce n’était qu’un songe.

J’avais, hélas ! perdu toute connaissance de Dieu ; ce que je devais aux bonnes instructions de mon père avait été effacé par huit années successives de cette vie licen-