Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/177

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melons en abondance sur le sol, et des raisins sur les arbres, où les vignes s’étaient entrelacées ; les grappes étaient juste dans leur primeur, bien fournies et bien mûres. C’était là une surprenante découverte, j’en fus excessivement content ; mais je savais par expérience qu’il ne fallait user que modérément de ces fruits ; je me ressouvenais d’avoir vu mourir, tandis que j’étais en Barbarie, plusieurs de nos Anglais qui s’y trouvaient esclaves, pour avoir gagné la fièvre et des ténesmes en mangeant des raisins avec excès. Je trouvai cependant moyen d’en faire un excellent usage en les faisant sécher et passer au soleil comme des raisins de garde ; je pensai que de cette manière ce serait un manger aussi sain qu’agréable pour la saison où je n’en pourrais avoir de frais : mon espérance ne fut point trompée.

Je passai là tout l’après-midi, et je ne retournai point à mon habitation ; ce fut la première fois que je puis dire avoir couché hors de chez moi. À la nuit, j’eus recours à ma première ressource : je montai sur un arbre, où je dormis parfaitement. Le lendemain au matin, poursuivant mon exploration, je fis près de quatre milles, autant que j’en pus juger par l’étendue de la vallée, et je me dirigeai toujours droit au nord, ayant des chaînes de collines au Nord et au Sud de moi.

Au bout de cette marche je trouvai un pays découvert, qui semblait porter sa pente vers l’Ouest ; une petite source d’eau fraîche, sortant du flanc d’un monticule voisin, courait à l’opposite, c’est-à-dire droit à l’Est. Toute cette contrée paraissait si tempérée, si verte, si fleurie, et tout y était si bien dans la primeur du printemps, qu’on l’aurait prise pour un jardin artificiel.

Je descendis un peu sur le coteau de cette délicieuse vallée, la contemplant et songeant, avec une sorte de plaisir