Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

secret, — quoique mêlé de pensées affligeantes, — que tout cela était mon bien, et que j’étais Roi et Seigneur absolu de cette terre, que j’y avais droit de possession, et que je pouvais la transmettre comme si je l’avais eue en héritance, aussi incontestablement qu’un lord d’Angleterre son manoir. J’y vis une grande quantité de cacaoyers, d’orangers, de limoniers et de citronniers, tous sauvages, portant peu de fruits, du moins dans cette saison. Cependant les cédrats verts que je cueillis étaient non-seulement fort agréables à manger, mais très sains ; et, dans la suite, j’en mêlai le jus avec de l’eau, ce qui la rendait salubre, très-froide et très-rafraîchissante.

Je trouvai alors que j’avais une assez belle besogne pour cueillir ces fruits et les transporter chez moi ; car j’avais résolu de faire une provision de raisins, de cédrats et de limons pour la saison pluvieuse, que je savais approcher.

À cet effet je fis d’abord un grand monceau de raisins, puis un moindre, puis un gros tas de citrons et de limons, et, prenant avec moi un peu de l’un et de l’autre, je me mis en route pour ma demeure, bien résolu de revenir avec un sac, ou n’importe ce que je pourrais fabriquer, pour transporter le reste à la maison.

Après avoir employé trois jours à ce voyage, je rentrai donc chez moi ; — désormais c’est ainsi que j’appellerai ma tente et ma grotte ; — mais avant que j’y fusse arrivé, mes raisins étaient perdus : leur poids et leur jus abondant les avaient affaissés et broyés, de sorte qu’ils ne valaient rien ou peu de chose. Quant aux cédrats, ils étaient en bon état, mais je n’en avais pris qu’un très-petit nombre.

Le jour suivant, qui était le 19, ayant fait deux sacs, je retournai chercher ma récolte ; mais en arrivant à mon amas