Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/389

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dai la liberté de conscience dans toute l’étendue de mes États.

Sitôt que j’eus mis en lieu de sûreté mes deux pauvres prisonniers délivrés, que je leur eus donné un abri et une place pour se reposer, je songeai à faire quelques provisions pour eux. J’ordonnai d’abord à Vendredi de prendre dans mon troupeau particulier une bique ou un cabri d’un an pour le tuer. J’en coupai ensuite le quartier de derrière, que je mis en petits morceaux. Je chargeai Vendredi de le faire bouillir et étuver, et il leur prépara, je vous assure, un fort bon service de viande et de consommé, J’avais mis aussi un peu d’orge et de riz dans le bouillon. Comme j’avais fait cuire cela dehors, — car jamais je n’allumais de feu dans l’intérieur de mon retranchement, — je portai le tout dans la nouvelle tente ; et là, ayant dressé une table pour mes hôtes, j’y pris place moi-même auprès d’eux et je partageai leur dîner. Je les encourageai et les réconfortai de mon mieux, Vendredi me servant d’interprète auprès de son père et même auprès de l’Espagnol, qui parlait assez bien la langue des Sauvages.

Après que nous eûmes dîné ou plutôt soupé, j’ordonnai à Vendredi de prendre un des canots, et d’aller chercher nos mousquets et autres armes à feu, que, faute de temps, nous avions laissés sur le champ de bataille. Le lendemain je lui donnai ordre d’aller ensevelir les cadavres des Sauvages, qui, laissés au soleil, auraient bientôt répandu l’infection. Je lui enjoignis aussi d’enterrer les horribles restes de leur atroce festin, que je savais être en assez grande quantité. Je ne pouvais supporter la pensée de le faire moi-même ; je n’aurais pu même en supporter la vue si je fusse allé par là. Il exécuta touts mes ordres ponctuellement et fit disparaître jusqu’à la moindre trace des Sauva-