Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/45

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avantages que le commerce offrirait, et peut-être y trouveriez-vous quelque profit. »

J’acceptai l’offre, et me liant d’étroite amitié avec ce capitaine, qui était un homme franc et honnête, je fis ce voyage avec lui, risquant une petite somme, que, par sa probité désintéressée, j’augmentai considérablement ; car je n’emportai environ que pour quarante livres sterling de verroteries et de babioles qu’il m’avait conseillé d’acheter. Ces quarante livres sterling, je les avais amassées par l’assistance de quelques-uns de mes parents avec lesquels je correspondais, et qui, je pense, avaient engagé mon père ou au moins ma mère à contribuer d’autant à ma première entreprise.

C’est le seul voyage où je puis dire avoir été heureux dans toutes mes spéculations et je le dois à l’intégrité et à l’honnêteté de mon ami le capitaine ; en outre j’y acquis aussi une suffisante connaissance des mathématiques et des règles de la navigation ; j’appris à faire l’estime d’un vaisseau et à prendre la hauteur ; bref à entendre quelques-unes des choses qu’un homme de mer doit nécessairement savoir. Autant mon capitaine prenait de plaisir à m’instruire, autant je prenais de plaisir à étudier ; et en un mot ce voyage me fît tout à la fois marin et marchand. Pour ma pacotille, je rapportai donc cinq livres neuf onces de poudre d’or, qui me valurent, à mon retour à Londres, à peu près trois cents livres sterling, et me remplirent de ces pensées ambitieuses qui, plus tard, consommèrent ma ruine.

Néanmoins, j’eus en ce voyage mes disgrâces aussi ; je fus surtout continuellement malade et jeté dans une violente calenture[1], par la chaleur excessive du climat : notre prin-

  1. Calenture : Espèce de délire auquel sont sujets les navigateurs qui vont dans la zone torride.