Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/131

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surpris de voir plus de vingt canots d’indiens qui se dirigeaient vers le rivage.

Épouvantés, ils revinrent à l’habitation en toute hâte donner l’alarme à leurs compagnons, qui se tinrent clos tout ce jour-là et le jour suivant, ne sortant que de nuit pour aller en observation. Ils eurent le bonheur de s’être trompés dans leur appréhension ; car, quel que fût le but des Sauvages, ils ne débarquèrent pas cette fois-là dans l’île, mais poursuivirent quelqu’autre projet.

Il s’éleva vers ce temps-là une nouvelle querelle avec les trois Anglais. Un de ces derniers, le plus turbulent, furieux contre un des trois esclaves qu’ils avaient faits prisonniers, parce qu’il n’exécutait pas exactement quelque chose qu’il lui avait ordonné et se montrait peu docile à ses instructions, tira de son ceinturon la hachette qu’il portait à son côté, et s’élança sur le pauvre Sauvage, non pour le corriger, mais pour le tuer. Un des Espagnols, qui était près de là, le voyant porter à ce malheureux, à dessein de lui fendre la tête, un rude coup de hachette qui entra fort avant dans l’épaule, crut que la pauvre créature avait le bras coupé, courut à lui, et, le suppliant de ne pas tuer ce malheureux, se jeta entre lui et le Sauvage pour prévenir le crime.

Ce coquin, devenu plus furieux encore, leva sa hachette contre l’Espagnol, et jura qu’il le traiterait comme il avait voulu traiter le Sauvage. L’Espagnol, voyant venir le coup, l’évita, et avec une pelle qu’il tenait à la main, — car il travaillait en ce moment au champ de blé, — étendit par terre ce forcené. Un autre Anglais, accourant au secours de son camarade, renversa d’un coup l’Espagnol ; puis, deux Espagnols vinrent à l’aide de leur compatriote, et le troisième Anglais tomba sur eux : aucun n’avait d’arme à feu ; ils n’a-