Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/152

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eurent trois femmes adroites, diligentes, soigneuses et intelligentes : non que les deux premières fussent de mauvaises femmes sous le rapport de l’humeur et du caractère ; car toutes les cinq étaient des créatures très-prévenantes, très-douces et très-soumises, passives plutôt comme des esclaves que comme des épouses ; je veux dire seulement qu’elles n’étaient pas également adroites, intelligentes ou industrieuses, ni également épargnantes et soigneuses.

Il est encore une autre observation que je dois faire, à l’honneur d’une diligente persévérance d’une part, et à la honte d’un caractère négligent et paresseux d’autre part ; c’est que, lorsque j’arrivai dans l’île, et que j’examinai les améliorations diverses, les cultures et la bonne direction des petites colonies, les deux Anglais avaient de si loin dépassé les trois autres, qu’il n’y avait pas de comparaison à établir entre eux. Ils n’avaient ensemencé, il est vrai, les uns et les autres, que l’étendue de terrain nécessaire à leurs besoins, et ils avaient eu raison à mon sens ; car la nature nous dit qu’il est inutile de semer plus qu’on ne consomme ; mais la différence dans la culture, les plantations, les clôtures et dans tout le reste se voyait de prime abord.

Les deux Anglais avaient planté autour de leur hutte un grand nombre de jeunes arbres, de manière qu’en approchant de la place vous n’apperceviez qu’un bois. Quoique leur plantation eût été ravagée deux fois, l’une par leurs compatriotes et l’autre par l’ennemi comme on le verra en son lieu, néanmoins ils avaient tout rétabli, et tout chez eux était florissant et prospère. Ils avaient des vignes parfaitement plantées, bien qu’eux-mêmes n’en eussent jamais vu ; et grâce aux soins qu’ils donnaient à cette culture, leurs raisins étaient déjà aussi bons que ceux des autres. Ils s’étaient aussi fait une retraite dans la partie la plus épaisse des