Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/200

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et ses deux camarades, à cause de leur mauvaise conduite, comme ils me l’avaient fait connaître, et qu’ils en appelaient touts à moi de la nécessité où ils avaient été d’en agir ainsi ; mais que William Atkins s’était conduit avec tant de bravoure dans le grand combat livré aux Sauvages et depuis dans quantité d’occasions, et s’était montré si fidèle et si dévoué aux intérêts généraux de la colonie, qu’ils avaient oublié tout le passé, et pensaient qu’il méritait autant qu’aucun d’eux qu’on lui confiât des armes et qu’on le pourvût de toutes choses nécessaires ; qu’en lui déférant le commandement après le gouverneur lui-même, ils avaient témoigné de la foi qu’ils avaient en lui ; que s’ils avaient eu foi entière en lui et en ses compatriotes, ils reconnaissaient aussi qu’ils s’étaient montrés dignes de cette foi par tout ce qui peut appeler sur un honnête homme l’estime et la confiance ; bref qu’ils saisissaient de tout cœur cette occasion de me donner cette assurance qu’ils n’auraient jamais d’intérêt qui ne fût celui de touts.

D’après ces franches et ouvertes déclarations d’amitié, nous fixâmes le jour suivant pour dîner touts ensemble, et nous fîmes, d’honneur, un splendide festin. Je priai le cook du navire et son aide de venir à terre pour dresser le repas, et l’ancien cuisinier en second que nous avions dans l’île les assista. On tira des provisions du vaisseau : six pièces de bon bœuf, quatre pièces de porc et notre bowl à punch, avec les ingrédients pour en faire ; et je leur donnai, en particulier, dix bouteilles de vin clairet de France et dix bouteilles de bière anglaise, choses dont ni les Espagnols ni les Anglais n’avaient goûté depuis bien des années, et dont, cela est croyable, ils furent on ne peut plus ravis.

Les Espagnols ajoutèrent à notre festin cinq chevreaux entiers que les cooks firent rôtir, et dont trois furent envoyés