Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/242

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preuve d’un zèle véritable et d’un cœur généreux en soi. — « Mais, mon ami, poursuivis-je, voulez-vous me permettre de soulever ici une difficulté ? Je n’ai pas la moindre chose à objecter contre le fervent intérêt que vous déployez pour convertir ces pauvres gens du paganisme à la religion chrétienne ; mais quelle consolation en pouvez-vous tirer, puisque, à votre sens, ils sont hors du giron de l’Église catholique, hors de laquelle vous croyez qu’il n’y a point de salut ? Ce ne sont toujours à vos yeux que des hérétiques, et, pour cent raisons, aussi effectivement damnés que les payens eux-mêmes. »

À ceci il répondit avec beaucoup de candeur et de charité chrétienne : — « Sir, je suis catholique de l’Église romaine et prêtre de l’ordre de Saint-Benoît, et je professe touts les principes de la Foi romaine ; mais cependant, croyez-moi, et ce n’est pas comme compliment que je vous dis cela, ni eu égard à ma position et à vos amitiés, je ne vous regarde pas, vous qui vous appelez vous-même réformés, sans quelque sentiment charitable. Je n’oserais dire, quoique je sache que c’est en général notre opinion, je n’oserais dire que vous ne pouvez être sauvés, je ne prétends en aucune manière limiter la miséricorde du Christ jusque-là de penser qu’il ne puisse vous recevoir dans le sein de son Église par des voies à nous impalpables, et qu’il nous est impossible de connaître, et j’espère que vous avez la même charité pour nous. Je prie chaque jour pour que vous soyez touts restitués à l’Église du Christ, de quelque manière qu’il plaise à Celui qui est infiniment sage de vous y ramener. En attendant vous reconnaîtrez sûrement qu’il m’appartient, comme catholique, d’établir une grande différence entre un Protestant et un payen ; entre celui qui invoque Jésus-Christ, quoique dans un mode que je ne juge pas