Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/247

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plus noire ingratitude le plus tendre et le plus affectueux traitement que jamais père ait pu faire éprouver ou qu’enfant ait jamais reçu.

R. C. — C’est bien. Je ne vous ai pas questionné sur votre père pour vous arracher cet aveu. Je prie Dieu de vous en donner repentir et de vous pardonner cela ainsi que touts vos autres péchés. Je ne vous ai fait cette question que parce que je vois, quoique vous ne soyez pas très-docte, que vous n’êtes pas aussi ignorant que tant d’autres dans la science du bien, et que vous en savez en fait de religion beaucoup plus que vous n’en avez pratiqué.

W. A. — Quand vous ne m’auriez pas, sir, arraché la confession que je viens de vous faire sur mon père, ma conscience l’eût faite. Toutes les fois que nous venons à jeter un regard en arrière sur notre vie, les péchés contre nos indulgents parents sont certes, parmi touts ceux que nous pouvons commettre, les premiers qui nous touchent : les blessures qu’ils font sont les plus profondes, et le poids qu’ils laissent pèse le plus lourdement sur le cœur.

R. C. — Vous parlez, pour moi, avec trop de sentiment et de sensibilité, Atkins, je ne saurais le supporter.

W. A. — Vous le pouvez, master ! J’ose croire que tout ceci vous est étranger.

R. C. — Oui, Atkins, chaque rivage, chaque colline, je dirai même chaque arbre de cette île, est un témoin des angoisses de mon âme au ressentiment de mon ingratitude et de mon indigne conduite envers un bon et tendre père, un père qui ressemblait beaucoup au vôtre, d’après la peinture que vous en faites. Comme vous, Will Atkins, j’ai assassiné mon père, mais je crois ma repentance de beaucoup surpassée par la vôtre.