Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/297

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en ce lieu ; que Will Atkins était mort ; que cinq Espagnols étaient partis ; que, bien qu’ils n’eussent pas été très-molestés par les sauvages, ils avaient eu cependant quelques escarmouches avec eux et qu’ils le suppliaient de m’écrire de penser à la promesse que je leur avais faite de les tirer de là, afin qu’ils pussent revoir leur patrie avant de mourir.

Mais j’étais parti en chasse de l’Oie-sauvage, en vérité ; et ceux qui voudront savoir quelque chose de plus sur mon compte, il faut qu’ils se déterminent à me suivre à travers une nouvelle variété d’extravagances, de détresse et d’impertinentes aventures, où la justice de la Providence se montre clairement, et où nous pouvons voir combien il est facile au Ciel de nous rassasier de nos propres désirs, de faire que le plus ardent de nos souhaits soit notre affliction, et de nous punir sévèrement dans les choses mêmes où nous pensions rencontrer le suprême bonheur.

Que l’homme sage ne se flatte pas de la force de son propre jugement, et de pouvoir faire choix par lui-même de sa condition privée dans la vie. L’homme est une créature qui a la vue courte, l’homme ne voit pas loin devant lui ; et comme ses passions ne sont pas de ses meilleurs amis, ses affections particulières sont généralement ses plus mauvais conseillers[1].

Je dis ceci, faisant trait au désir impétueux que j’avais, comme un jeune homme, de courir le monde. Combien il était évident alors que cette inclination s’était perpétuée en moi pour mon châtiment ! Comment advint-il, de quelle manière, dans quelle circonstance, quelle en fut la conclusion, c’est chose aisée de vous le rapporter historiquement

  1. Dans la susdite traduction contemporaine, indigne du beau nom de madame Tastu, où, soi-disant, on se borne au rôle de traducteur fidèle, ce paragraphe et le suivant sont entièrement passés. P. B.