Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/306

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le peuple, en trois ou quatre heures, toute cette grande armée s’était rassemblée contre nous. Nous l’avions échappé belle.

Un des nôtres avait été tué d’un coup de lance dès le commencement de l’attaque, comme il sortait de la hutte que nous avions dressée ; les autres s’étaient sauvés, touts, hormis le drille qui était la cause de tout le méchef, et qui paya bien cher sa noire maîtresse : nous ne pûmes de quelque temps savoir ce qu’il était devenu. Nous demeurâmes encore sur la côte pendant deux jours, bien que le vent donna, et nous lui fîmes des signaux, et notre chaloupe côtoya et recôtoya le rivage l’espace de plusieurs lieues, mais en vain. Nous nous vîmes donc dans la nécessité de l’abandonner. Après tout, si lui seul eût souffert de sa faute, ce n’eût pas été grand dommage.

Je ne pus cependant me décider à partir sans m’aventurer une fois encore à terre, pour voir s’il ne serait pas possible d’apprendre quelque chose sur lui et les autres. Ce fut la troisième nuit après l’action que j’eus un vif désir d’en venir à connaître, s’il était possible, par n’importe le moyen, quel dégât nous avions fait et quel jeu se jouait du côté des Indiens. J’eus soin de me mettre en campagne durant l’obscurité, de peur d’une nouvelle attaque ; mais j’aurais dû aussi m’assurer que les hommes qui m’accompagnaient étaient bien sous mon commandement, avant de m’engager dans une entreprise si hasardeuse et si dangereuse, comme inconsidérément je fis.

Nous nous adjoignîmes, le subrécargue et moi, vingt compagnons des plus hardis, et nous débarquâmes deux heures avant minuit, au même endroit où les Indiens s’étaient rangés en bataille l’autre soir. J’abordai là parce que mon dessein, comme je l’ai dit, était surtout de voir s’ils