Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/327

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dans le navire et n’y exerçais aucune autorité, mais que je prenais la liberté d’exprimer mon opinion sur des choses qui visiblement nous concernaient touts. — « Quant à mon intérêt dans le voyage, ajoutai-je, vous n’y entendez goutte : je suis propriétaire pour une grosse part dans ce navire, et en cette qualité je me crois quelque droit de parler, même plus que je ne l’ai encore fait, sans avoir de compte à rendre ni à vous ni personne autre. » Je commençais à m’échauffer : il ne me répondit que peu de chose cette fois, et je crus l’affaire terminée. Nous étions alors en rade au Bengale, et désireux de voir le pays, je me rendis à terre, dans la chaloupe, avec le subrécargue, pour me récréer. Vers le soir, je me préparais à retourner à bord, quand un des matelots s’approcha de moi et me dit qu’il voulait m’épargner la peine[1] de regagner la chaloupe, car ils avaient ordre de ne point me ramener à bord. On devine quelle fut ma surprise à cet insolent message. Je demandai au matelot qui l’avait chargé de cette mission près de moi. Il me répondit que c’était le patron de la chaloupe ; je n’en dis pas davantage à ce garçon, mais je lui ordonnai d’aller faire savoir à qui de droit qu’il avait rempli son message, et que je n’y avais fait aucune réponse.

J’allai immédiatement retrouver le subrécargue, et je lui contai l’histoire, ajoutant qu’à l’heure même je pressentais qu’une mutinerie devait éclater à bord. Je le sup-

  1. Ici, dans la traduction contemporaine, indigne du beau nom de madame Tastu, se trouve entre mille autres, cette phrase barbare : — « Lorsqu’un des matelots vint à moi, et me dit qu’il voulait m’éviter la peine
    Pardon, on n’évite pas une peine à quelqu’un. On épargne une peine, c’est un mauvais lieu et une mauvaise traduction qu’on évite. Je l’ai déjà dit, il serait bien dans un livre destiné à l’éducation de la jeunesse d’éviter de pareilles incongruités. P. B.