Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pliai donc de s’y rendre sur-le-champ dans un canot indien pour donner l’éveil au capitaine ; mais j’aurais pu me dispenser de cette communication, car avant même que je lui eusse parlé à terre, le coup était frappé à bord. Le maître d’équipage, le canonnier et le charpentier, et en un mot touts les officiers inférieurs, aussitôt que je fus descendu dans la chaloupe, se réunirent vers le gaillard d’arrière et demandèrent à parler au capitaine. Là, le maître d’équipage faisant une longue harangue, — car le camarade s’exprimait fort bien, — et répétant tout ce qu’il m’avait dit, lui déclara en peu de mots que, puisque je m’en étais allé paisiblement à terre, il leur fâcherait d’user de violence envers moi, ce que, autrement, si je ne me fusse retiré de moi-même, ils auraient fait pour m’obliger à m’éloigner. — « Capitaine, poursuivit-il, nous croyons donc devoir vous dire que, comme nous nous sommes embarqués pour servir sous vos ordres, notre désir est de les accomplir avec fidélité ; mais que si cet homme ne veut pas quitter le navire, ni vous, capitaine, le contraindre à le quitter, nous abandonnerons touts le bâtiment ; nous vous laisserons en route. » — Au mot touts, il se tourna vers le grand mat, ce qui était, à ce qu’il paraît, le signal convenu entre eux, et là-dessus touts les matelots qui se trouvaient là réunis se mirent à crier : — Oui, touts ! touts ! »

Mon neveu le capitaine était un homme de cœur et d’une grande présence d’esprit. Quoique surpris assurément à cette incartade, il leur répondit cependant avec calme qu’il examinerait la question, mais qu’il ne pouvait rien décider là-dessus avant de m’en avoir parlé. Pour leur montrer la déraison et l’injustice de la chose, il leur poussa quelques arguments ; mais ce fut peine vaine. Ils jurèrent devant lui, en se secouant la main à la ronde, qu’ils s’en iraient touts