Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/382

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ment ensemble sans qu’il m’invitât à faire ce voyage avec lui, m’assurant qu’il me montrerait toutes les choses glorieuses de ce puissant Empire et entre autres la plus grande cité du monde : — « Cité, disait-il, que votre Londres et notre Paris réunis ne pourraient égaler. » — Il voulait parler de Péking, qui, je l’avoue, est une ville fort grande et infiniment peuplée ; mais comme j’ai regardé ces choses d’un autre œil que le commun des hommes, j’en donnerai donc mon opinion en peu de mots quand, dans la suite de mes voyages, je serai amené à en parler plus particulièrement.

Mais d’abord je retourne à mon moine ou missionnaire : dînant un jour avec lui, nous trouvant touts fort gais, je lui laissai voir quelque penchant à le suivre, et il se mit à me presser très-vivement, ainsi que mon partner, et à nous faire mille séductions pour nous décider. — « D’où vient donc, Père Simon, dit mon partner, que vous souhaitez si fort notre société ? Vous savez que nous sommes hérétiques ; vous ne pouvez nous aimer ni goûter notre compagnie. » — « Oh ! s’écria-t-il, vous deviendrez peut-être de bons Catholiques, avec le temps : mon affaire ici est de convertir des payens ; et qui sait si je ne vous convertirai pas aussi ? » — « Très-bien, Père, repris-je ; ainsi vous nous prêcherez tout le long du chemin. » — « Non, non, je ne vous importunerai pas : notre religion n’est pas incompatible avec les bonnes manières ; d’ailleurs, nous sommes touts ici censés compatriotes. Au fait ne le sommes-nous pas eu égard au pays où nous nous trouvons ; et si vous êtes huguenots et moi catholique, au total ne sommes-nous pas touts chrétiens ? Tout au moins, ajouta-t-il, nous sommes touts de braves gens et nous pouvons fort bien nous hanter sans nous incommoder l’un l’autre. » — Je goûtai fort ces dernières paroles, qui rappelèrent à mon souvenir