Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/383

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mon jeune ecclésiastique que j’avais laissé au Brésil, mais il s’en fallait de beaucoup que ce Père Simon approchât de son caractère ; car bien que Père Simon n’eût en lui nulle apparence de légèreté criminelle, cependant il n’avait pas ce fonds de zèle chrétien, de piété stricte, d’affection sincère pour la religion que mon autre bon ecclésiastique possédait et dont j’ai parlé longuement.

Mais laissons un peu Père Simon, quoiqu’il ne nous laissât point, ni ne cessât de nous solliciter de partir avec lui. Autre chose alors nous préoccupait : il s’agissait de nous défaire de notre navire et de nos marchandises, et nous commencions à douter fort que nous le pussions, car nous étions dans une place peu marchande : une fois même je fus tenté de me hasarder à faire voile pour la rivière de Kilam et la ville de Nanking ; mais la Providence sembla alors, plus visiblement que jamais, s’intéresser à nos affaires, et mon courage fut tout-à-coup relevé par le pressentiment que je devais, d’une manière ou d’une autre, sortir de cette perplexité et revoir enfin ma patrie : pourtant je n’avais pas le moindre soupçon de la voie qui s’ouvrirait, et quand je me prenais quelquefois à y songer je ne pouvais imaginer comment cela adviendrait. La Providence, dis-je, commença ici à débarrasser un peu notre route, et pour la première chose heureuse voici que notre vieux pilote portugais nous amena un négociant japonais qui, après s’être enquis des marchandises que nous avions, nous acheta en premier lieu tout notre opium : il nous en donna un très-bon prix, et nous paya en or, au poids, partie en petites pièces au coin du pays, partie en petits lingots d’environ dix ou onze onces chacun. Tandis que nous étions en affaire avec lui pour notre opium il me vint à l’esprit qu’il pourrait bien aussi s’arranger de notre navire et j’ordonnai à l’interprète de lui en faire la proposi-