Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/430

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lieu, tellement qu’il pendait par une des cornes. Un de nos hommes qui se trouvait avec moi saisit alors la peau de mouton qui couvrait l’idole et l’arrachait, quand tout-à-coup une horrible clameur parcourut le village, et deux ou trois cents drôles me tombèrent sur les bras, si bien que je me sauvai sans demander mon reste, et d’autant plus volontiers que quelques-uns avaient des arcs et des flèches ; mais je fis serment de leur rendre une nouvelle visite.

Notre caravane demeura trois nuits dans la ville, distante de ce lieu de quatre ou cinq milles environ, afin de se pourvoir de quelques montures dont elle avait besoin, plusieurs de nos chevaux ayant été surmenés et estropiés par le mauvais chemin et notre longue marche à travers le dernier désert ; ce qui nous donna le loisir de mettre mon dessein à exécution. — Je communiquai mon projet au marchand écossais de Moscou, dont le courage m’était bien connu. Je lui contai ce que j’avais vu et de quelle indignation j’avais été rempli en pensant que la nature humaine pût dégénérer jusque là. Je lui dis que si je pouvais trouver quatre ou cinq hommes bien armés qui voulussent me suivre, j’étais résolu à aller détruire cette immonde, cette abominable idole, pour faire voir à ses adorateurs que ce n’était qu’un objet indigne de leur culte et de leurs prières, incapable de se défendre lui-même, bien loin de pouvoir assister ceux qui lui offraient des sacrifices.

Il se prit à rire. — « Votre zèle peut être bon, me dit-il ; mais que vous proposez-vous par là ? » — « Ce que je me propose ! m’écriai-je, c’est de venger l’honneur de Dieu qui est insulté par cette adoration satanique. » — « Mais comment cela vengerait-il l’honneur de Dieu, reprit-il, puisque ces gens ne seront pas à même de comprendre votre intention, à moins que vous ne leur par-