Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/449

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route et l’hiver approchait rapidement : dans cette conjoncture, sur nos affaires privées, mon partner et moi, nous tînmes donc un conseil, où nous jugeâmes à propos, attendu que nous devions nous rendre en Angleterre et non pas à Moscou, de considérer le parti qu’il nous fallait prendre. On nous avait parlé de traîneaux et de rennes pour nous transporter sur la neige pendant l’hiver ; et c’est tout de bon que les Russiens font usage de pareils véhicules, dont les détails sembleraient incroyables si je les rapportais, et au moyen desquels ils voyagent beaucoup plus dans la saison froide qu’ils ne sauraient voyager en été, parce que dans ces traîneaux ils peuvent courir nuit et jour : une neige congelée couvrant alors toute la nature, les montagnes, les vallées, les rivières, les lacs n’offrent plus qu’une surface unie et dure comme la pierre, sur laquelle ils courent sans se mettre nullement en peine de ce qui est dessous.

Mais je n’eus pas occasion de faire un voyage de ce genre. — Comme je me rendais en Angleterre et non pas à Moscou, j’avais deux routes à prendre : il me fallait aller avec la caravane jusqu’à Jaroslav, puis tourner vers l’Ouest, pour gagner Narva et le golfe de Finlande, et, soit par mer soit par terre, Dantzick, où ma cargaison de marchandises chinoises devait se vendre avantageusement ; ou bien il me fallait laisser la caravane à une petite ville sur la Dvina, d’où par eau je pouvais gagner en six jours Archangel, et de là faire voile pour l’Angleterre, la Hollande ou Hambourg.

Toutefois il eût été absurde d’entreprendre l’un ou l’autre de ces voyages pendant l’hiver : si je me fusse décidé pour Dantzick, la Baltique en cette saison est gelée, tout passage m’eût été fermé, et par terre il est bien moins sûr de voyager dans ces contrées que parmi les Tartares-Mongols. D’un autre côté, si je me fusse rendu à Archangel en octobre,