Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/79

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sans doute je rencontrerais quelque navire ou quelque sloop qu’ils pourraient prendre à louage pour retourner au Canada, d’où ils venaient.

Cette requête ne me parut que raisonnable de leur part, et j’inclinais à l’accorder ; car je considérais que, par le fait, transporter tout ce monde aux Indes-Orientales serait non-seulement agir avec trop de dureté envers de pauvres gens, mais encore serait la ruine complète de notre voyage, par l’absorption de toutes nos provisions. Aussi pensai-je que ce n’était point là une infraction à la charte-partie, mais une nécessité qu’un accident imprévu nous imposait, et que nul ne pouvait nous imputer à blâme ; car les lois de Dieu et de la nature nous avaient enjoint d’accueillir ces deux bateaux pleins de gens dans une si profonde détresse, et la force des choses nous faisait une obligation, envers nous comme envers ces infortunés, de les déposer à terre quelque part, de les rendre à eux-mêmes. Je consentis donc à les conduire à Terre-Neuve si le vent et le temps le permettaient, et, au cas contraire, à la Martinique, dans les Indes-Occidentales.

Le vent continua de souffler fortement de l’Est ; cependant le temps se maintint assez bon ; et, comme le vent s’établit dans les aires intermédiaires entre le Nord-Est et le Sud-Est, nous perdîmes plusieurs occasions d’envoyer nos hôtes en France ; car nous rencontrâmes plusieurs navires faisant voile pour l’Europe, entre autres deux bâtiments français venant de Saint-Christophe ; mais ils avaient louvoyé si long-temps qu’ils n’osèrent prendre des passagers, dans la crainte de manquer de vivres et pour eux-mêmes et pour ceux qu’ils auraient accueillis. Nous fûmes donc obligés de poursuivre. — Une semaine après environ nous parvînmes aux Bancs de Terre-Neuve, où, pour couper