Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/80

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court, nous mîmes touts nos Français à bord d’une embarcation qu’ils prirent à louage en mer, pour les mener à terre, puis ensuite les transporter en France s’ils pouvaient trouver des provisions pour l’avitailler. Quand je dis que touts nos Français nous quittèrent, je dois faire observer que le jeune prêtre dont j’ai parlé, ayant appris que nous allions aux Indes-Orientales, désira faire le voyage avec nous pour débarquer à la côte de Coromandel. J’y consentis volontiers, car je m’étais pris d’affection pour cet homme, et non sans bonne raison, comme on le verra plus tard. — Quatre matelots s’enrôlèrent aussi à bord, et se montrèrent bons compagnons.

De là nous prîmes la route des Indes-Occidentales, et nous gouvernions Sud et Sud-quart-Est depuis environ vingt jours, parfois avec peu ou point de vent, quand nous rencontrâmes une autre occasion, presque aussi déplorable que la précédente, d’exercer notre humanité.

Nous étions par 27 degrés 5 minutes de latitude septentrionale, le 19 mars 1694-5, faisant route Sud-Est-quart-Sud, lorsque nous découvrîmes une voile. Nous reconnûmes bientôt que c’était un gros navire, et qu’il arrivait sur nous ; mais nous ne sûmes que conclure jusqu’à ce qu’il fut un peu plus approché, et que nous eûmes vu qu’il avait perdu son grand mât de hune, son mât de misaine et son beaupré. Il tira alors un coup de canon en signal de détresse. Le temps était assez bon, un beau frais soufflait du Nord-Nord-Ouest ; nous fûmes bientôt à portée de lui parler.

Nous apprîmes que c’était un navire de Bristol, qui chargeant à la Barbade pour son retour, avait été entraîné hors de la rade par un terrible ouragan, peu de jours avant qu’il fût prêt à mettre à la voile, pendant