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Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/25

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HÉLIKA.

pendant que la mère distribuait à la famille la becquée du matin. Un instant, une seconde peut-être, je les contemplai avec plaisir ; mais tout à coup, le démon de la jalousie me souffla le mot Marguerite, Marguerite, depuis deux jours et une nuit dans les bras d’Octave. Oh ! alors je bondis dans un transport de rage inexprimable. Je saisis mon fusil, ajustai le musicien ailé et fis feu. J’avais bien visé, le chantre qui m’avait éveillé par son ramage, tomba mort à mes pieds, la mère mortellement blessée roula un peu plus loin ; tandis que je lançai le nid et la couvée par terre et les écrasai sous mes pieds. Leur bonheur, leur gaieté m’avaient paru une provocation dérisoire.

Fou, furieux, je m’enfonçai encore plus avant dans la forêt. Ma conscience m’avertissait de prendre garde, que j’allais en finir avec la vie honnête et entrer dans la carrière du crime. Mais une autre voix infernale me souillait les mots vengeance, vengeance, et malheureusement ce fut cette dernière qui l’emporta. Dès ce moment je n’eus donc plus qu’une idée fixe, inflexible, inexorable. Ce fut de tirer contre Octave et Marguerite, une vengeance terrible, parce que dans ma folle méchanceté, je les accusais d’avoir empoisonné le bonheur de mon existence.

Je l’avoue aujourd’hui, après cet acte de barbarie, j’eus peur de moi, quand je sondai l’abîme de maux dans lequel j’allais m’enfoncer. Jamais une créature vivante n’avait été mise à mort par moi, pour le seul plaisir de voir couler son sang ou par méchanceté. Mais de ce jour, le génie du mal s’empara de moi et se garda bien de lâcher sa proie ; pour la première fois, je vis le sang avec une joie féroce.

Je continuai donc ma marche en m’avançant de plus en plus dans la forêt ; je marchai encore plusieurs jours, ne sachant où j’allais. Les étoiles et la lune, la nuit, le soleil, le jour, me servaient de boussole, et ma fureur, ma jalousie augmentaient à chaque pas. Tout en cheminant, je méditais, je m’ingéniais à trouver quelle pourrait être la plus grande souffrance que je pourrais leur infliger.

Le meurtre ou l’empoisonnement d’Octave se présentèrent bien à mon esprit, je tressaillis d’abord à cette idée, qu’Octave mort, je pourrais encore espérer de devenir le mari de Marguerite ; mais en y réfléchissant, je songeai qu’elle n’était plus aujourd’hui cette chaste et candide jeune fille que j’avais connue, et ma rage s’en augmenta encore s’il était possible. Pour la satisfaire, je sentis qu’il me fallait inventer d’autres tortures que tous deux devaient partager. Il me les fallait terribles mais incessantes. Depuis cinq jours que j’avais laissé la maison paternelle, j’errais