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HÉLIKA.

ceté, car la pauvre mère en m’apercevant s’enfuit tout effarée en poussant de douloureux gémissements. Je passai auprès du faon et d’un brutal coup de pied, je le lançai à vingt pas plus loin. J’avais remarqué avec joie que la biche s’était retournée sur la lisière du bois et qu’elle m’observait. Puis je continuai ma route en sifflant joyeusement.


CHAPITRE VII

dans la tribu.


Je passai deux mois m’éloignant toujours des endroits où j’avais été autrefois si heureux, et jamais l’idée des angoisses que ma famille devait éprouver de mon absence ne se présenta à mon esprit. Je ne vivais plus depuis longtemps que de chasse et de pêche. Je m’étais ainsi habitué aux bruits des bois, et pouvais à mon oreille et à l’examen de la piste reconnaître quelle était la bête fauve, et quelquefois la tribu du sauvage qui avaient traversé les sentiers que je parcourais.

Un soir j’étais occupé à préparer mon repas, j’avais décidé de passer la nuit auprès d’une belle source où je m’étais installé. Depuis au-delà de deux mois je n’avais point rencontré de créature humaine. J’étais tout occupé aux préparatifs du souper, qui d’ailleurs ne sont pas longs dans les bois, lorsque des craquements de branches inusités se firent entendre à quelques pas en arrière de moi. Je me retournai, deux yeux étincelants brillaient dans la demi obscurité, et mon feu faisait miroiter l’éclat de la lame d’un poignard déjà levé pour me percer. L’instinct de la conservation s’était réveillé en moi. Heureusement que mon fusil était sous ma main, je le saisis et en appuyai la gueule sur la poitrine du survenant. « Ne tirez pas, me dit-il, je me rends. » « Jette ton poignard, m’écriai-je, ou tu es mort. » Il le laissa tomber par terre. De mon côté, je déposai mon fusil, saisis mon homme d’un bras ferme, et le conduisis auprès du feu. « Gare à toi, lui dis-je, d’une voix tonnante, si tu fais le moindre mouvement. Que me veux-tu ? Que cherches-tu ici ? » Il balbutia alors quelques paroles que je ne compris pas. Je le fis asseoir en face de moi de manière que la lumière éclaira son visage. « Que veux-tu lui demandai-je de nouveau ? » Il me répondit : « J’ai faim, je veux manger. » Et, certes, le gaillard m’eût bien disputé ce repas, s’il ne m’eût senti de force à lui résister. Je lui coupai une large tranche de venaison, il la dévora