Page:Deherme - Aux jeunes gens.djvu/10

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vous les fiers, vous les hommes, vous les victorieux.

Vous les survivants, — non pas des Morts qui sont toujours présents en vous, en nous tous, et qui resplendiront éternellement sur la face radieuse de la patrie libérée ; mais sur-vivants aux agités qui se croient des êtres et ne sont que des spectres que chaque minute dissipe et que le néant va résorber. Le misérable moi auquel ils bornent leur éphémère existence n’est qu’une apparence. Rien ne demeure et ne se continue qu’en se rattachant. On n’arrache au sépulcre que ce qu’on donne à l’humanité perdurable.

L’artillerie des barbares a broyé des corps, stérilisé les campagnes en dispersant l’humus fécond, abattu oies maisons ; mais auparavant les divagations de la raison individuelle et le dévergondage des sentiments égotistes, plus profondément destructeurs, avaient tari la sève spirituelle qui anime la hautaine volonté de vivre en autrui et pour autrui, qui stimule l’énergie bienfaisante du laboureur, qui exalte la foi créatrice par laquelle se maintiennent les Cités prospères et s’érigent les cathédrales de beauté.

Jeunes gens de France, vous avez gardé la patrie ; mais, déjà, elle n’était plus qu’un désert d’âmes. Tout y est à reconstruire, et d’abord l’esprit qui vivifie,