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1 1 i UN MAÎTRE : AUGUSTE COMTE

soit-elle, est déjà le fruit d'une longue histoire com- mune. Le plus haut génie — un Comte, par exemple — est une floraison d'humanité. Seul le cerveau en déliquescence des déments ou de quelques histrions de lettres croit pouvoir créer quelque chose. Comte ne se diminuait pas en signalant scrupuleusement ses précurseurs : il justifiait sa positivité. La pro- fonde vérité de sa doctrine, c'est qu'elle est une suite. La plus haute valeur cérébrale, ce n'est pas de tendre à une vaine originalité, mais d'appréhender, com- prendre, synthétiser. On n'invente jamais : on dé- couvre, on retrouve, on combine.

L'intelligence ne se suffit donc pas à elle-même. Nous le voyons assez par l'impuissance des plus terribles catastrophes à dissiper les préjugés et à rectifier les erreurs qui les ont provoquées. Cette fois encore, après la plus sanglante des guerres, comme après la Révolution, à quelque catégorie sociale qu'on appartienne, rien n'a été appris, rien oublié.

Sans doute, le socialisme le plus bassement élec- toral, l'imbécile démagogie gréviste, des politiciens de flibuste, de niais utopistes, des réformateurs ignares, des conservateurs ahuris, des aventuriers de tout vol proclament les indigentes divagations de leurs rêves, de leurs vanités et de leurs appétits comme autant de doctrines rénovatrices. A l'examen, elles apparaissent comme moins coordonnées que le fétichisme des cannibales errant dans la brousse africaine. Elles contribuent à exacerber le délire occidental dans sa crise la plus aiguë.

En fixant sa fonction d'enseigner, de conseiller, de consacrer et de régler, le positivisme rend à l'in- telligence, avec tout son prestige, tout son pouvoir.