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12 UN MAÎTRE : AUGUSTE COMTE

fluence bienfaisante delà souffrance. L'homme dont l'intelligence s'accroît jusqu'à la fin est peut-être celui qui a le plus souffert et dont les épreuves jour- nalières avivent les plaies de sa sensibilité saignante. L'opinion publique serait moins jalouse des gloires, si elle savait de quels déchirements de cœur elles sont souvent la rançon. » Mais, pour Comte, la dou- loureuse ascension réleva jusqu'à l'air pur de l'ab- négation totale qui cicatrise toutes les blessures de la personnalité.

Quand sa femme eut déserté le domicile conjugal pour la quatrième fois, en. 1842, malgré l'interces- sion de Littré, Comte refusa, ainsi qu'il l'en avait prévenue avant la fugue, de la réintégrer à son foyer. Et il en donne cette raison impersonnelle que la Chambre des divorces récuserait sans doute et que son veule disciple était bien incapable d'en- tendre : « Depuis notre fatal mariage du 19 février 1826, sa conduite, quoique très licencieuse, n'indi- qua jamais envers personne un véritable attache- ment ; les deux autres instincts altruistes, soit véné- ration, soit bonté, lui sont encore plus étrangers. Malgré ses airs positivistes, sa nature restera pure- ment révolutionnaire. »

Caroline Massin était certainement une prostituée- née, une dégénérée supérieure. Encore qu'elle fût charmante au physique et fort intelligente, Comte jugeait ce mariage « la seule faute réellement grave » de sa rie.

Celui qui idéalisera la femme jusqu'à imaginer l'utopie de la Vierge-mère et qui aura une concep- tion si rigoriste de la famille, comment a-t-il pu épouser une prostituée?