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UNE DIRECTION : LE POSITIVISME 53

d'être constamment démontré : pourquoi ne pas étendre cette confiance apaisante aux sciences poli- tiques et morales? Les catholiques sont rares qui ont lu les Épîtres de saint Paul et les Sommes de saint Thomas d'Aquin. Les autres en sont-ils moins bons croyants? Ainsi, les prolétaires et les femmes peuvent comprendre le positivisme par le cœur, et mieux que les lettrés.

Une telle synthèse — j'y reviens — ne s'assimile pas en quelques jours. Aussi le commun des scri- bouillards préfère-t-il acquérir le génie en écoutant chanter les fauvettes des jardins du Luxembourg ou en ingurgitant des bocks.

La pensée est despotique. On ne la rejette, point à son gré du cerveau dont elle s'empare. Un journa- liste qui venait d'étudier pendant plusieurs mois le Système de politique m'avouait que, depuis l'illumi- nation qu'il en avait reçue, sa besogne quotidienne lui était plus malaisée. Une synthèse qui ne laisse rien en dehors de son étreinte nous contraint. Le pittoresque, le paradoxe, l'originalité de l'expression, tout ce qui est le clinquant, tous les trucs du métier d'écrire se dérobent à l'appel. Dès lors, il faut se soumettre au réel. Plus de rêverie qui fait illusion, qu'on puisse prendre ou faire passer pour l'éclair du génie. Tout est relié. Les mots ne parviennent plus à celer la sottise ou le charlatanisme. Dans les limites qu'on sait désormais infranchissables, tout devient clair. En résumé, l'intellectualisme ne peut plus être une profession lucrative.

L'anarchie mentale part de l'égocentrisme méta- physique et, s'étant accrue de tout le limon putride des bas instincts, elle y retourne pour le développer.