Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je vous remercie, chère sœur, d’avoir pensé à mon vieux serviteur Cherubini. Depuis quarante ans il a rempli avec honneur, zèle, probité et intelligence, tous les offices que mon prédécesseur et moi lui avons confiés... Je le fais cardinal. C’est une bonne promotion ; elle lui fera plaisir, elle nous fera honneur... Il est juste aussi que Venise et Gênes aient près de nous, et dans le gouvernement du saint-siége, quelques-uns de leurs enfants. Vitman est un bon choix. Quant à Laurent Raggi, jeune encore, vous savez qu’il n’a que quarante-cinq ans, on pourra bien tenir quelques propos sur son compte. C’est un financier habile, mais rusé ; prenez-y garde, madame... On n’a pas encore oublié comment il a rempli sa charge de surintendant des gabelles pour les Barberins, sous le pontificat d’Urbain VIII, et il fera bien de prendre garde à ses actions, afin qu’il ne lui arrive pas encore une fois d’être obligé de sauter par la fenêtre de son palais, pour se soustraire à la fureur du peuple. C’est un homme de mérite, et dont les talents peuvent être utiles, d’accord ; mais il faut le surveiller. Enfin notre trésorier sera cardinal.

» Je n’ai pas d’objections à faire sur la promotion de l’archevêque de Salerne au cardinalat. Fabrice Savelli s’est rendu illustre comme général dans les guerres d’Allemagne, et s’est fait respecter depuis qu’il est entré dans les ordres. L’importance de sa famille à Rome serait d’ailleurs un titre suffisant pour que nous nous empressions de le lier plus étroitement encore aux intérêts de la sainte Église. Je le fais cardinal.

» Vous voyez, chère sœur, continua Innocent, qui dans ses dernières phrases avait repris son rôle de souverain, que si je ne suis pas toujours gracieux, je ne cesse jamais d’être raisonnable. Quant à vous, à qui le ciel a donné tout ce qu’il faut pour être à la fois l’un et l’autre, j’ai peine à m’expliquer comment il a pu vous venir dans l’esprit de présenter pour le cardinalat votre neveu Maldachini, un enfant de quinze ou seize ans au plus, laid de sa personne et imbécile d’esprit. Qu’en voulez-vous faire ? et quel secours espérez-vous tirer d’un pareil sujet, quand il sera couvert de la pour-