Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/135

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été plus fertile en bons résultats que celle que nous venons de prendre. Mais écoutez, Pamphile, le dernier conseil que croit devoir vous donner une amie, une sœur qui ne vit que pour vous servir et élever votre gloire. Ne vous fiez pas aveuglément aux conseils de votre premier ministre. De grâce, écoutez-moi, et ne vous emportez pas, dit-elle en embrassant les genoux du pape, qui avait laissé échapper un léger signe de mécontentement. Oui, on ne saurait le proclamer trop haut, Pancirole est un homme intègre, plein de lumières, d’habileté dans les affaires. Je ne prends part à rien sans le consulter ; ainsi vous voyez quelle opinion j’ai de son mérite. Mais Pancirole a vieilli dans la haine qu’il a toujours portée aux Barberins, et par suite à la France ; mais Pancirole, précisément parce qu’il a de certaines qualités qui le rendent fidèle à ses affections et à ses promesses, est resté et restera toujours dévoué à la couronne d’Espagne.

» Or, vous n’ignorez pas qu’ainsi que vous et que votre premier ministre, j’ai toujours éprouvé et manifesté une préférence non équivoque pour ce royaume purement et constamment catholique ; pour une nation dont la soumission envers le saint-siége a donné tant de force à vos prédécesseurs et à vous. Peut-être qu’hier encore, vous auriez trouvé cette disposition intacte dans mon esprit. Mais faut-il vous rappeler tout ce qui se passe depuis quelque temps ? Est-il nécessaire de vous redire le triste sort qu’ont eu les armes espagnoles à Porto-Longone et à Piombino ? Est-il possible de se faire illusion sur l’affaiblissement du pouvoir de l’Espagne, en voyant qu’un misérable pêcheur comme Masaniello a détruit la puissance du vice-roi qui gouvernait pour elle, en vingt-quatre heures ? Et serait-il bien sage que le saint-siége continuât de prendre pour point d’appui et pour alliée indispensable une nation qui paraît n’avoir bientôt plus la force ni de se gouverner ni de se défendre ? De l’autre côté, considérez la France. Un instinct insurmontable nous éloigne, il est vrai, de cette nation si opiniâtre et si légère, si indisciplinée et si belliqueuse. Mais voyez comme par la bravoure de ses armées, ainsi que par les infatigables travaux de ses ministres, elle étend le réseau de sa puissance sur