toutes leurs forces, pour ranimer chez eux la vie qui semblait prête à s’éteindre.
Le maître de l’auberge, qui se défiait, non sans raison, de la pureté du calvinisme de ses hôtes, les surveillait soigneusement. Sa profession le forçait tout à la fois de satisfaire assez souvent la curiosité des étrangers, et d’éviter tout scandale pendant le prêche ; en sorte qu’il avait prudemment réservé une partie de la place qui lui était assignée dans le temple pour y cacher les curieux, de manière à ce qu’ils pussent voir sans être vus. Après avoir fait entrer Segni et de Beauvoir à la faveur de ses domestiques, par qui il les fit entourer, il leur montra la place qui leur était destinée, les y fit passer et s’assit auprès d’eux. C’était pendant que toutes ces pieuses évolutions s’étaient opérées, que les deux intrus avaient éprouvé des émotions si étranges, à la suite desquelles ils se trouvèrent plongés dans une espèce de stupeur.
Ce qu’il y a de plus redoutable pour ceux qui, comme l’hôte en cette occasion, répondent des curieux qu’ils conduisent, c’est d’avoir affaire à des gens mal élevés ; mais le brave Genevois s’était bien aperçu qu’il n’y avait pas lieu pour lui d’avoir cette crainte. Ce qu’il appréhendait était d’avoir à calmer quelque papiste bien fervent, qui, sur un mot qui offenserait ses opinions, laisserait échapper involontairement quelque signe de désapprobation. Profitant donc de la retraite d’un mur près duquel se tenaient les deux étrangers, il s’approcha d’eux, et toujours avec son air grave et tenant les yeux baissés, il leur dit : « J’ai l’honneur de vous prévenir, messieurs, que c’est le pasteur Diodati que vous allez entendre ; un homme qui édifie tout Genève par ses actions et sa science, comme par sa parole. » Après avoir donné cet avertissement, il reprit place sur son banc, et le service ne tarda pas à commencer.
On sait combien furent profondes et étranges les émotions de nos deux voyageurs au moment de leur entrée dans le temple ; aussi serait-il superflu de revenir sur les surprises que leur causèrent les prières dites en français, ainsi que l’étrange musique sur laquelle on chanta les psaumes. La prédication, on le sait, est la partie la plus importante du