l’empressement qu’elles mettaient à se disputer ou à se céder le pas, lorsqu’elles arrivaient à la porte du temple.
Comme outre l’abbé Segni et M. de Beauvoir, qui n’étaient point connus, l’hôtelier n’avait aucun étranger de marque avec lui, il fut obligé de laisser passer plusieurs familles patriciennes avant qu’il pût entrer avec sa cohorte, composée en très-grande partie de ses serviteurs.
Tout alors fut nouveau pour les deux catholiques. La régularité minutieuse ainsi que la lente gravité avec lesquelles chaque protestant, homme et femme, entrait, suivait une direction déterminée, prenait sa place marquée et s’asseyait en tombant dans une immobilité parfaite, captivèrent l’attention de nos étrangers. Ils ne furent pas moins surpris et même choqués de la nudité absolue des murailles intérieures de l’église, dont la propreté aride rappelait l’aspect de ces lieux qui ont vieilli sans avoir été habités. Le silence, même en marchant, était si rigoureusement observé par l’assemblée, qu’il fatiguait comme celui d’un cimetière. Habitués à l’éclat et à la pompe des églises et des cérémonies catholiques, Segni et de Beauvoir cherchaient vainement un signe, un point, un centre visible qui pût rattacher, au moins momentanément, leur pensée à celle de toutes les personnes dont ils étaient entourés : mais ce fut en vain ; et lorsque leurs yeux, las d’interroger les murs et les figures impassibles des assistants, se portèrent machinalement vers la chaire placée en face des auditeurs, ils n’y découvrirent encore qu’un homme, le chantre, vêtu de noir, qui, la tête appuyée sur ses deux mains, était aussi, comme les assistants et les murailles, immobile et muet.
L’abbé Segni, mais le jeune de Beauvoir surtout, s’étaient attendus, en mettant le pied sur le seuil du temple, à éprouver une sorte de fureur dont ils n’espéraient pas pouvoir se rendre maîtres ; mais il en arriva tout autrement. Ils furent suffoqués, pétrifiés ; leurs idées s’embrouillèrent, leur respiration était devenue pénible, et si l’idée de sortir se présenta à leur esprit, c’était bien moins par horreur des protestants que poussés par un certain instinct qui leur faisait désirer de respirer l’air libre, de voir le ciel et de courir de