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chevaux blancs... mais pas demain... non, pas demain... Ce sera pour une autre occasion que je vous dirai... » Camille insista pour connaître le projet de la princesse, qui ne voulut pas en dire davantage, et donna le bonsoir à Camille en répétant plusieurs fois qu’elle se sentait fatiguée et avait besoin de repos.

Pendant la matinée suivante, la princesse parut bien portante et plus tranquille d’esprit, quoiqu’elle exprimât de temps à autre l’impatience où elle était de voir arriver l’instant du départ pour la villa Pamphile. Afin de tromper cette attente, elle céda à mille petites fantaisies auxquelles son époux se prêta avec une complaisance toujours nouvelle. Elle le consulta sur les vêtements qu’elle devait mettre, lui montra de nouveaux bijoux, et finit par le prier de l’accompagner dans le parc. En rentrant de cette promenade, Cornélia manifesta le désir d’aller aux écuries voir les quatre chevaux blancs qu’elle affectionnait particulièrement. La vue de ces animaux, l’inspection qu’elle fit des carrosses, la rendit gaie, parlante, et elle revint vers les quatre chevaux, qu’elle fit manger dans sa jolie main, en appelant chacun d’eux par le nom qu’elle lui avait donné. Puis se tournant vers son mari : « C’est vous qui me les avez donnés, dit-elle ; ce sont nos chevaux de gala ; il ne faut s’en servir que dans les grandes occasions ! »

Camille, dont la seule pensée était de complaire en tout à sa femme, ne vit dans le regard tendre, mais profondément interrogatif, de la princesse, qu’un témoignage d’affection qui le toucha jusqu’au fond du cœur, mais dont il ne pénétra pas tout le sens. Madame de Rossano espérait éveiller la curiosité de son mari et provoquer des questions ; mais sitôt qu’elle s’aperçut qu’il n’y avait qu’un amant dans Camille où elle voulait trouver un homme, reprenant tout à coup un air grave : « Remontons au palais, ajouta-t-elle, et préparons-nous au départ ; je suis impatiente de voir mes beaux-frères. »

Le trajet de Frascati à la villa Pamphile ne fut pas long. Les deux époux arrivèrent au lieu de leur destination vers les trois heures après midi ; Camille n’étant préoccupé que de prévenir les moindres désirs de sa jeune épouse, la prin-