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protecteur pendant le reste de ma vie, et que, d’après cela, il est de votre devoir de ne mettre aucun obstacle à mon mariage. »

Ernest resta triste et muet. « Votre silence, ajouta mademoiselle de Liron après une pause assez longue, me touche bien autrement que vos plaintes... Prêtez-moi votre mouchoir que j’essuie mes yeux, car il faut que je rentre à la maison : on m’y attend. »

Tous deux quittèrent le banc, et suivirent sans se rien dire une grande allée couverte, à l’extrémité de laquelle était un escalier conduisant à la maison. Arrivés là, mademoiselle de Liron dit à Ernest : « Ne rentrons pas ensemble, faites quelques tours de jardin avant de venir me rejoindre. » Ernest obéit d’autant plus volontiers que l’émotion qu’il avait éprouvée lui faisait sentir le besoin de marcher et de respirer à l’aise.

On désire sans doute savoir quelque chose de précis sur les deux personnages qui viennent de se quitter. Voici ce que nous en avons entendu dire : Ernest était en effet un de ces maudits petits cousins, comme il s’en trouve dans tant de maisons, espèce équivoque, qui tient à la fois de l’enfant, du parent, de l’ami et de l’amant. Petit-fils d’une sœur aînée de M. de Liron et resté orphelin de fort bonne heure, il avait été placé sous la tutelle de son grand-oncle, qui s’était chargé du soin de son éducation et de la gestion de quelques biens qui lui restaient. Ernest de P***, après avoir été élevé au séminaire de Mont-Ferrand, avait témoigné si vivement, vers l’âge de quinze ans, le désir de continuer ses études auprès de son grand-oncle, que celui-ci avait cédé aux vœux de son pupille. M. de Liron, peu curieux de la science, désirait beaucoup, au contraire, avoir dans sa maison un habitant jeune et gai, qui le sortît de l’apathie ordinaire où le plongeait son état maladif. Ernest était donc établi depuis quatre ans chez son oncle, étudiant à peu près comme il voulait et ce qu’il voulait, sous l’inspection de mademoiselle de Liron, sa cousine.

Ce jeune homme, de taille moyenne, fortement constitué, assez médiocrement partagé pour les avantages de la figure,