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qu’exigent la culture des grains, la récolte, des prairies et l’entretien des serviteurs, elle veillait à tout avec autant d’activité que de prudence. Toutefois la nature de ces occupations ne l’empêchait pas de cultiver son esprit, et bien qu’elle ne fût rien moins qu’une savante, elle n’ignorait cependant rien de ce qui peut former le caractère et orner l’esprit. En somme, elle était l’âme de la maison de son père, et le jeune Ernest s’était élevé, avait essayé tous les sentiments de la vie sous l’influence bénigne de cette gracieuse personne.

Quant au lieu de la scène rapportée en commençant, c’est le parc, le jardin ou les prairies, comme il plaira de le nommer, de M. de Liron.

À un quart de lieue de Clermont-Ferrand, il y a, du côté des montagnes et entre les embouchures des vallées de Royat et de Villar, un petit village tout à fait singulier. On le nomme Chamaillères. C’est une réunion de propriétés particulières ; maisons, prés, ruisseaux, châtaigneraie et grands noyers compris, le tout enfermé de murs assez bas dont les sinuosités capricieuses forment un labyrinthe presque inextricable.

L’habitation de M. de Liron était située au midi de ce village. Elle se composait de deux grandes prairies en pentes opposées, et partagées par un ruisseau venant de Royat.

Parmi des masses de châtaigniers, quelques-uns de ces arbres, plantés avec plus de symétrie, forment une allée ténébreuse, et c’est sur le banc placé dans cette allée que nos deux causeurs étaient venus s’asseoir à l’ombre et goûter le frais, après avoir fait l’inspection des ouvriers et des chars avec lesquels on rentrait la récolte des foins en ce moment.

Ce fut donc à l’extrémité de cette allée qu’Ernest laissa mademoiselle Justine de Liron descendre l’escalier et se diriger vers la maison.

Pour Ernest, devenu pensif, il marcha en remontant le ruisseau, écoutant le bruit de l’eau, croyant réfléchir, et au fait n’ayant que deux idées qui se confondaient en un sentiment bien fort, par lequel toutes ses facultés étaient domi-